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Le 12 mars 2015 la Cour des comptes a enfin mis en ligne ce rapport dans lequel la pertinence des prestations externes à l'administration a été "épluchée"... la conclusion est digne de la gabegie habituelle dispensée par le gouvernement : il demande des conseils que nos impôts payent mais il n'en tient aucun compte...
Voilà un court résumé tiré du dit-rapport :
La Cour des compte a examiné à la demande de la commission des finances du Sénat, les conditions dans lesquelles l'Etat a recours à des conseils extérieurs [entendu au sens du présent rapport comme des services d'accompagnement ou le conseil à l'administration et non comme sous-traitance], c'est-à-dire les personnes qu'elles soient privées ou publiques, délivrant des prestations intellectuelles dans lesquelles la part de "conseil" est supérieure à celle de "service".
Si le recours à des conseils extérieurs ne constitue pas en lui-même un enjeu majeur de maîtrise des finances publiques, il révèle d'autres enjeux, plus qualificatifs et d'ordre stratégique, en matière de gestion des moyens de l'Etat, de définition et de mise en œuvre de ses politiques.
Malgré leur caractère stratégique, les dépenses de conseil extérieur ne font pas l'objet d'un suivi particulier, ce qui rend leur estimation délicate.
L'absence d'outils comptables satisfaisants et le défaut de pilotage centralisé au sein des ministères n'ont pas permis à la Cour de chiffrer de manière totalement exhaustive les prestations de conseil engagées par les administrations de l'Etat.
En effet, malgré leur caractère stratégique, les dépenses de conseil extérieur ne font pas l'objet d'un suivi étroit de la part des secrétaires généraux, des responsables de programme et des contrôleurs bugétaires et comptables ministériels, le plus souvent faute d'outils ou de procédures adaptés.
Ces dépenses sont d'une ampleur relativement limitée mais inégalement réparties entre les ministères et assez largement concentrées sur un nombre restreint de prestataires.
Les données transmises par les ministères, dont il est possible de considérer qu'elles donnent une image relativement fidèle des masses financières en jeu, conduisent à estimer les dépenses de conseil extérieur à au moins 150 M€ en moyenne par an entre 2011 et 2013. elles concernent un large champ d'intervention, souvent sur des fonctions stratégiques - voire régaliennes - de l'Etat, telles que les réformes d'organisation, les évaluations de politiques publiques ou de la défense de ses intérêts juridiques et financiers. elles concernent en effet l'aide à la décision, l'accompagnement des projets, l'expertise, l'influence et la gestion des ressources humaines.
Ces dépenses, inégalement réparties entres les différents départements ministériels, sont relativement concentrées sur un nombre limité de prestataires, les dix premiers cabinets de conseil représentant plus de 40% du volume total de facturation entre 2011 et 2013.
Répondant à des besoins multiples aux justifications inégalement pertinentes, le recours à des conseils extérieurs procède, en l'absence de réflexion préalable sur son opportunité et de doctrine transversale, d'une logique de recours au "cas par cas".
Il est justifié, lorsque l'administration ne dispose pas de compétences ou des informations utiles en son sein, mais il peut être, dans certains cas, plus contestable.
Le recours à des conseils extérieurs peut ainsi révéler ou entraîner la perte de certaines compétences internes et utiles à l'Etat, comme la Cour a pu le constater, notamment, dans le domaine du droit des contrats publics, de la rédaction de textes réglementaires ou de la gestion du patrimoine immobilier.
Plus contestable encore est l'utilisation des consultants comme cautions techniques des décisions d l'administration, parfois en doublons avec des avis internes, avec pour objectif ou conséquence une dilution des responsabilité des décideurs publics.
L'administration ne mobilise pas suffisamment, faute d'outils adaptés, les nombreuses compétences dont elle dispose en son sein.
L'arbitrage entre le recours à des compétences internes ou externes est trop rarement exercé. De même, la question de la complémentarité du conseil extérieur et de l'administration n'est pas nécessairement traitée par les commanditaires. Dans certains cas, la décision de recourir à des prestations répond à des motifs "capacitaires", pour pallier le manque d'effectif qualifié ou les rigidités qui s'attachent au recrutement d'agents contractuels présentant un profil spécifique. Elle répond dès lors à une logique de sous-traitance plus que d'accompagnement. Dans de tels cas, l'administration doit impérativement se prémunir contre tout risque de requalification de ces interventions en prêt de main d’œuvre illicite.
La disponibilité de compétences internes, notamment dans les corps de contrôle et d'inspection de l'Etat, n'est pas systématiquement prise en compte au moment de la décision de recourir à des prestataires. Sans négliger les spécificités de ces ressources internes qui ne les rendent pas toujours substituables à des conseils extérieurs, la Cour a relevé des exemples probants de missions de conseil interne menées par des agents de l'Etat ou ses opérateurs, conjointement ou non avec des consultants. Une mobilisation plus importante de ces compétences internes requiert la mise en place d'outils permettant d'identifier et de recenser les expertises disponibles au sein des services de l'Etat et d'en comparer la performance, notamment en termes de coût, avec l'intervention d'un prestataire extérieur.
Malgré le caractère à la fois particulier et sensible des prestations de conseil, l'administration n'a pas développé de savoir-faire spécifique en matière d'achat de prestations intellectuelles.
Alors même que l'administration fait appel de longue date à des conseils extérieurs, l'achat de ce genre particulier de prestations manque encore de professionnalisme.
En dépit de l'existence des responsables ministériels des achats et de la création en 2009 du service des achats de l'Etat, la fonction achat, éclatée entre de multiples services prescripteurs, n'est pas suffisamment structurée au niveau ministériel et au niveau interministériel, ce qui ne favorise pas la programmation des besoins et leur mutualisation.
En dehors des cas de non-respect des obligations de publicité et de mise en concurrence relevés par la Cour, le droit de la commande publique n'est pas toujours utilisé à bon escient eu égard à la spécificité des services achetés. Les marchés à bons de commande, fréquemment utilisés car ils permettent d'alléger les procédures, ne sont pas toujours adaptés pour des prestations nécessitant du "sur mesure" et présentent des risques de dérive budgétaire. Les solutions juridiques qui permettent d'échanger avec les candidats potentiels pour mieux définir le besoin de l'administration devraient être plus largement exploitées afin de permettre une meilleure adéquation des offres aux besoins.
Il existe des marges d'efficience non négligeables, dans la définition du besoin et dans la tarification des prestations.
Si les conditions économiques dans lesquelles l'Etat recourt à des prestations de conseil se révèlent dans l'ensemble satisfaisantes, notamment au regard des clients du secteur privé, leurs modalités d'achat mériteraient d'être mieux encadrées. Malgré l'existence de bonnes pratiques relevées par la Cour, la définition préalable des besoins de l'administration demeure en règle générale incomplète et se traduit par une description imprécise, dans les cahiers des charges, de la prestations attendue, de ses objectifs et de ses indicateurs de résultat.
L'analyse des conditions tarifaires d'une sélection d'opérations n'a pas montré de défaillance majeure dans la maîtrise de la tarification des prestations. Toutefois, l'utilisation intensive par l'administration d'instruments contractuels tels que les marchés à bons de commande sans minimum ni maximum ou, dans le domaine de la communication, des marchés dits "boite à outils", fait peser un risque de non-maîtrise de la dépense finale. De même, la complexité des modes de tarification, en particulier le recours de plus en plus fréquent aux "unités d’œuvre", si elle n'a pas conduit à une dérive avérée des coûts unitaires, la quasi-absence d'utilisation des tarifications à la performance a sans doute privé l'Etat d'un levier de pilotage opérationnel et financier des interventions des consultants.
Des marges de progrès existent également pour sensibiliser à la fois les prestataires et les commanditaires aux questions de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts.
Les dispositions législatives et réglementaires permettant de prévenir les conflits d'intérêts mériteraient d'être renforcées. Les risques déontologiques liés à l'intervention de conseils extérieurs peuvent prendre deux formes : d'une part, la participation d'anciens agents du secteur public à des missions dans leurs anciennes administrations ; d'autre part, l'assistance apportée par des conseils concomitamment à l'Etat et à des parties en négociation ou en relation contractuelle avec ce dernier.
S'il existe des "chartes de déontologie", sans véritable force juridique, établies par quelques rares administrations, elles ne comportent aucune disposition permettant d'encadrer les relatins des services avec les fournisseurs. Ainsi, à l'exception des avis rendus, de manière non systématique, par la commission de déontologie, il n'existe aucune référence commune à l'ensemble des administrations en matière d'encadrement des départs d'agents publics dans le secteur privé et, en particulier, dans les métier du conseil. La portée des avis de la commission pâtit de l'impossibilité d'en vérifier le respect ultérieur et d'en faire assurer la bonne application. Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires devrait apporter, s'il était adopté, des renforcements bienvenus.
S'agissant des conflits d'intérêts impliquant les prestataires de conseil, des clauses spécifiques devraient être systématiquement incluses dans les cahiers des charges des marchés. A cette fin, une disposition pourrait être inscrite dans le droit positif à l'occasion de la transposition, en droit national, d'ici avril 2016, des deux directives européennes relatives à la passation des marchés publics.
Une fois engagée, parfois dans des chantiers qui se situent au coeur de l'action de l'Etat, l'action des consultants n'est pas suffisamment encadrée par l'administration.
Comme la définition du besoin initial, le pilotage des missions de conseil par l'administration doit être mieux formalisé et s'accompagner de la mise en place d'outils adaptés. Face à des sociétés de conseil très hiérarchisées, dotées de procédures et de méthodes d'intervention éprouvées et ayant, pour certaines, un accès privilégié aux plus hauts échelons décisionnels de l'Etat, la plupart des administrations peinent à s'organiser pour assurer un pilotage efficace de leurs consultants. La carence en personnels d'encadrement formés au pilotage de projets et de prestataires ne permet pas de désigner systématiquement des interlocuteurs référents pour piloter les intervenants extérieurs, tandis que l'inégale implication des échelons de direction créée une dissymétrie face à la présence de consultants expérimentés.
De même, l'utilisation des leviers contractuels de pilotage des prestataires, notamment des sanctions financières, demeure très limitée. Enfin, au plan budgétaire et comptable, la programmation et le suivi des décaissements sont encore trop souvent insuffisants. Les graves défaillances relevées par la Cour dans la conduite de la mise en place de l'opérateur national de paye (ONP) ont montré les lourdes conséquences opérationnelles et budgétaires d'un pilotage insuffisamment professionnalisé.
Parmi les bonnes pratiques de pilotage, doit être signalée l'expérience menée par la direction générale de la modernisation de l'Etat, poursuivie par le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, fondée sur une forte mutualisation des marchés de conseil et la mise en place d'une équipe chargée d'accompagner l'ensemble des étapes de l'intervention des consultants. La mise à disposition, par le service des achats de l'Etat, d'une "boite à outils" pour faciliter les achats de prestations de conseil mériterait d'être plus largement diffusée et utilisée par les administrations.
Enfin, les prestations de conseil sont insuffisamment évaluées par leurs bénéficiaires qui ne se mettent pas en condition d'utiliser au mieux les résultats et d'assimiler les nouveaux savoir-faire.
L'impact final des interventions des conseils extérieurs est très rarement évalué, faute de définition ex ante d'indicateur de résultat, de l'existence d'outils de suivi des prestations (rapports d'étape, tableaux de bord, etc.) et d'une procédure formalisée et systématique d'évaluation des prestations au moment de leur livraison ou quelque temps après. La Cour a relevé dans son enquête quelques exemples de missions ayant produit des résultats insuffisants, conséquence le plus souvent d'une mauvaise compréhension de l'objectif de la mission par les consultants ou de l'inadéquation des équipes mises à disposition. D'autres facteurs indépendants de la qualité des prestataires peuvent affecter l'efficacité des missions de conseil, comme par exemple des réorientations ou des arbitrages contradictoires en cours de mission ou l'urgence de la commande et la brièveté des délais impartis.
Le transfert de compétences au bénéfice des équipes internes de l'administration constitue pour la Cour l'un des enjeux majeurs des missions de conseil. Pour autant, hormis quelques expériences probantes, ce processus est rarement organisé et mis en œuvre, faute d'avoir été prévu ab initio dans le marché de la prestation. L'identification d'un lot spécifique, dans les marchés qui le justifient, dédié aux modalités du transfert de compétence permettrait de remédier à cette situation. Les services de l'Etat ne disposent pas de procédures ou d'outils intelligents de "capitalisation" (bases de données) permettant de garder mémoire des travaux fournis par des conseils extérieurs, dont certains pourraient être réutilisés par d'autres administrations. Enfin, la forte présence des consultants dans certaines administrations, jointe à une rotation rapide de l'encadrement, fait peser un risque de perte de mémoire portant sur certaines missions centrales de l'Etat.
Dans la continuité du décret du 24 juillet 2014 qui confie aux secrétaires généraux des ministères une responsabilité renforcée en matière de modernisation des pratiques administratives et de pilotage des achats et des marchés, l'élaboration d'une doctrine sur le bon usage des conseils extérieurs devrait leur être confiée, sous l'égide du secrétaire général du Gouvernement.
Source : Rapport de la Cour des Comptes
(Chapitre "Résumé", page 7 à 11)
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